CEDU sentenza 8 gennaio 2009
caso MANGOURAS c. Spagna (ricorso n. 12050/04).

Disastro ambientale: nella vicenda della Prestige, la cauzione di 3 milioni di euro per la liberazione condizionale del responsabile non è in violazione dell’articolo 5 § 3 della Convenzione (sentenza in lingua francese. Commento di antonella MASCIA)
Con sentenza dell’8 gennaio 2009 la CEDU ha deciso il caso MANGOURAS c. Spagna (ricorso n. 12050/04).

Il caso è particolare in quanto il ricorrente, di nazionalità greca, era il capitano della nave Prestige che, mentre si trovava in navigazione al largo delle coste spagnole nel 2002, riversò nell’oceano Atlantico 70.000 tonnellate di petrolio. La fuoriuscita del greggio provocò una catastrofe ecologica di amplissime proporzioni soprattutto per le coste spagnole ma anche per quelle francesi.

A seguito di ciò le autorità spagnole aprirono un’inchiesta penale e il ricorrente venne arrestato. L’autorità competente stabilì inoltre che il ricorrente avrebbe potuto ottenere la liberazione sotto cauzione, quantificando tuttavia quest’ultima in tre milioni d’euro. A giustificazione di tale misura il giudice competente argomentò che il comportamento del ricorrente e la mancanza di collaborazione da parte sua con le autorità portuali nella fase di rimorchio della petroliera avevano aggravato la situazione.

Il ricorrente si oppose a tale decisione ma invano. L’autorità giudiziaria spagnola ritenne che a causa della gravità dei delitti commessi, l’allarme sociale provocato dall’inquinamento e il fatto che il ricorrente fosse di nazionalità straniera senza alcun domicilio in Spagna giustificassero l’importo elevato della cauzione.

Il ricorrente rimase agli arresti per 83 giorni fino a quando la cauzione venne versata dall’armatore della Prestige, la London Steamship Owners Mutual Insurance Association. Successivamente le autorità spagnole autorizzarono il rientro del ricorrente nel proprio Paese, a condizione che le misure adottate in Spagna nei confronti del ricorrente fossero rispettate anche in Grecia. Attualmente il ricorrente deve comparire ogni 15 giorni presso il commissariato di Icarie o di Atene.

Il ricorrente, invocando l’articolo 5 § 3 della Convenzione si è lamentato davanti alla CEDU dell’eccessività della cauzione fissata dalle autorità spagnole.

In questo caso la CEDU ha sottolineato che non si può più ignorare la preoccupazione crescente e legittima che esiste sia a livello europeo che internazionale riguardo ai delitti contro l’ambiente. Con questa sentenza la CEDU ricorda i poteri e le obbligazioni degli Stati in materia di lotta contro l’inquinamento dei mari e ribadisce che vi deve essere una volontà unanime sia da parte degli Stati che delle organizzazioni europee e internazionali nell’identificare i responsabili e nell’assicurare la loro presenza nei processi perché possano essere giudicati e sanzionati.

La CEDU pur riconoscendo il carattere elevato della cauzione, pagata in seguito dall’armatore, ha ritenuto che non fosse sproporzionata, tenuto conto dell’interesse giuridico protetto, della gravità del delitto commesso e dei danni ambientali ed economici catastrofici conseguenti al riversamento. Pertanto la CEDU ha accertato che non vi è stata violazione dell’articolo 5 § 3 della Convenzione.

 

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TROISIÈME SECTION
 
 
 
 
 
 
AFFAIRE MANGOURAS c. ESPAGNE
 

(Requête no 12050/04)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
ARRÊT
 
 
STRASBOURG
 
8 janvier 2009
 
 
 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l\'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l\'affaire Mangouras c. Espagne,

La Cour européenne des Droits de l\'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

          Josep Casadevall, président,
          Elisabet Fura-Sandström,
          Corneliu Bîrsan,
          Boštjan M. Zupančič,
          Egbert Myjer,
          Ineta Ziemele, juges,
          Alejandro Saiz Arnaiz, juge ad hoc,

et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 décembre 2008,

Rend l\'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l\'origine de l\'affaire se trouve une requête (no 12050/04) dirigée contre le Royaume d\'Espagne et dont un ressortissant grec, M. Apostolos Ioannis Mangouras (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 mars 2004 en vertu de l\'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l\'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me Ruiz Soroa, avocat à Bilbao. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. I. Blasco, chef du service juridique des droits de l\'homme au ministère de la Justice.

3.  Le requérant alléguait en particulier que le montant de sa caution était excessivement élevé et avait été fixé sans prendre en considération sa situation personnelle.

4.  Le 14 novembre 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l\'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l\'affaire.

5.  Le gouvernement hellénique, invité à présenter des observations écrites sur l\'affaire, n\'a pas manifesté le souhait d\'exercer ce droit (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du Règlement).

6.  M. L. López Guerra, juge élu au titre de l\'Espagne s\'étant déporté, le Gouvernement a désigné M. A. Saiz Arnaiz pour siéger à sa place en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement de la Cour).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L\'ESPÈCE

7.  Le requérant est né en 1935 et réside en Grèce.

8. Le 13 novembre 2002, le navire Prestige, battant un pavillon des Bahamas, naviguait dans la zone économique exclusive espagnole près des côtes de la Galice transportant soixante-dix mille tonnes de fuel. L\'ouverture d\'une voie d\'eau dans la coque du bateau provoqua le déversement du contenu des cuves dans l\'Océan Atlantique.

9.  Face au risque de naufrage, les autorités maritimes menèrent une vaste opération de sauvetage de l\'équipage. Le requérant, capitaine du bateau, fut transporté en hélicoptère jusqu\'aux locaux de la capitainerie de la marine de La Corogne (A Coruña), où il fut arrêté.

10. Le déversement de la cargaison provoqua une catastrophe écologique dont les effets pour la faune et la flore marines se prolongèrent plusieurs mois et se propagèrent jusqu\'aux côtes françaises.

11.  Par une décision du 17 novembre 2002, le juge d\'instruction no 4 de La Corogne estima que les faits révélaient l\'existence d\'indices suffisants justifiant l\'ouverture d\'une enquête pénale. Le juge ordonna le placement en détention provisoire du requérant avec possibilité de libération sous condition du versement d\'une caution de trois millions d\'euros (3 000 000€). Le juge signala que, bien que l\'origine de la catastrophe ait été accidentelle, certains éléments du dossier, provisoires à ce stade de la procédure, permettaient de déceler des irrégularités dans le comportement du requérant, telles qu\'un manque de collaboration avec les autorités portuaires lorsque ces dernières essayèrent de remorquer le bateau. Cette attitude pouvait donner matière à l\'existence en l\'espèce d\'un délit contre les ressources naturelles et l\'environnement ainsi que d\'un délit de désobéissance aux autorités administratives. La gravité de ces délits présumés et la nationalité étrangère du requérant, qui manquait d\'attaches particulières avec l\'Espagne, justifiaient, de l\'avis du juge, le montant élevé de la caution.

12. Le requérant sollicita sa remise en liberté et, subsidiairement, la réduction de la caution à 60 000€. Par une décision du 27 novembre 2002, le juge d\'instruction no 1 de Corcubión (La Corogne) rejeta la demande au motif que la gravité des délits présumés justifiait le maintien en détention provisoire qui, par ailleurs, était conforme aux principes établis en la matière par la jurisprudence du Tribunal constitutionnel, à savoir, le caractère exceptionnel, subsidiaire, provisoire et proportionné de la mesure. S\'agissant du montant de la caution, le juge précisa que la présence du requérant au procès était essentielle afin d\'élucider les faits après l\'apparition de la voie d\'eau dans la coque du bateau. Par ailleurs, il réitéra les arguments donnés par le juge a quo, à savoir la gravité des délits, l\'alarme sociale provoquée par la pollution marine, la nationalité grecque du requérant, le fait qu\'il avait son adresse permanente à l\'étranger et l\'absence de toute attache avec l\'Espagne, raisons qui justifiaient le montant élevé de la caution, afin d\'éviter tout risque de non-comparution.

13.  Le 7 décembre 2002, le même juge d\'instruction no 1 rejeta le recours en réforme introduit par le requérant et confirma la décision attaquée.

14. Le requérant fit appel. Par une décision du 3 janvier 2003, l\'Audiencia Provincial de La Corogne rejeta le recours, considérant que le montant de la caution était justifié en raison des circonstances particulières de l\'espèce.

15. Le 6 février 2003, le juge d\'instruction no 1 de Corcubión (La Corogne) consigna le dépôt d\'un aval bancaire correspondant au montant de la caution exigé. En conséquence, il accorda la liberté provisoire au requérant sous certaines conditions, à savoir :

« a) la désignation d\'une adresse sur le territoire national ;

b) sa comparution chaque jour avant 13h devant la préfecture de police correspondant à l\'adresse désignée ;

c) l\'interdiction de sortie du territoire national, avec remise du passeport au greffe du tribunal ».

16.  Invoquant l\'article 17 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Constitution, le requérant forma un recours d\'amparo auprès du Tribunal constitutionnel. Sans contester la mesure de détention provisoire, qu\'il considéra par ailleurs suffisamment motivée, le requérant se plaignit du montant de la caution, à son avis excessif et disproportionné compte tenu de sa situation économique, qui rendait illusoire l\'obtention de la liberté provisoire. Il souligna que la fixation du montant n\'aurait pas tenu compte de sa situation personnelle comme l\'exige la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

17.  Par une décision motivée du 29 septembre 2003, la haute juridiction déclara le recours irrecevable. A titre liminaire, elle déclara que conformément à sa jurisprudence, la mise en liberté du requérant ne faisait pas pour autant disparaître l\'objet du recours d\'amparo, car

« en cas de violation du droit fondamental invoqué, il y aurait lieu pour le Tribunal d\'accueillir le recours et d\'accorder l\'amparo au requérant »

18.   Sur le fond, toutefois, le Tribunal constitutionnel se prononça dans les termes suivants :

« (...) conformément à l\'article 531 du code de procédure pénale, la fixation du montant de la caution doit prendre en compte, parmi d\'autres éléments, la nature du délit, le casier judiciaire du prévenu et d\'autres circonstances qui pourraient l\'influencer pour se soustraire à la justice. Pour sa part, la doctrine de la Cour européenne des droits de l\'homme a signalé que le but de la caution est d\'assurer la présence du prévenu au procès (...) et que son montant doit agir comme un frein pour écarter toute idée de fuite.

(...)

En l\'espèce, les diverses décisions ont amplement justifié le montant imposé ainsi que le rejet de la demande de réduction, par les motifs suivants : l\'objectif prioritaire que représente la présence du prévenu au procès, la gravité des délits en cause, la situation catastrophique occasionnée par le déversement de la cargaison tant au niveau national qu\'international, la condition d\'étranger du requérant et son absence totale de liens en Espagne.

Toutes ces circonstances ont amené les tribunaux à considérer que le risque de fuite pouvait seulement être atténué par une caution aussi élevée. (...) Ils ont également pris en compte la situation personnelle et économique du prévenu, ainsi que l\'entourage commercial dans lequel il travaille. (...) En effet, la nationalité grecque du requérant, ainsi que son adresse permanente à l\'étranger et l\'absence d\'attaches avec l\'Espagne constituent des circonstances personnelles qui ont été prises en considération lors de la détermination de la caution afin de dissuader le requérant de toute idée de fuite.

En conséquence, le montant a été fixé en suivant des critères de proportionnalité (...). La fixation d\'un montant exceptionnel est due au caractère exceptionnel de la situation en cause ».

19.  Ultérieurement, les autorités espagnoles autorisèrent le retour du requérant dans son pays d\'origine, où il réside actuellement, à condition que l\'Administration grecque veille au respect du contrôle périodique auquel le requérant était soumis en Espagne. Ainsi, il doit comparaître tous les quinze jours au commissariat d\'Icarie (son île natale) ou d\'Athènes (où résident ses enfants).

20.  A ce jour, la procédure pénale sur le fond se trouve encore pendante auprès du juge d\'instruction no 1 de Corcubión (La Corogne).

 

II.  LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENT

A.  Droit interne
  1. La Constitution

Article 17

« 1. Toute personne a droit à la liberté et la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n\'est conformément aux dispositions du présent article et dans le cas et sous la forme prévus par la loi ».

  2. Code pénal en vigueur au moment des faits

Article 325

« Sera puni d\'une peine de prison de six mois à quatre ans, une amende de huit à vingt-quatre mois et l\'interdiction d\'exercer le métier pour une période d\'un à trois ans celui qui (...) provoque ou réalise directe ou indirectement des émissions, déversements (...) dans (...) les eaux terrestres, maritimes ou souterraines (...) qui puissent causer des graves préjudices à l\'équilibre des systèmes naturels. S\'il s\'avère que le risque peut atteindre la santé des personnes, la peine de prison sera appliquée dans sa moitié supérieure ».

Article 331

« Les faits prévus dans ce chapitre seront punis avec la peine dans sa moitié inférieure lorsque ils auront été commis par imprudence grave ».

  3. Code pénal tel que modifié en novembre 2003 (un paragraphe a été ajouté à l\'article 325)

Article 325
« (...)

2.  Celui qui libère, émet ou introduit sciemment des radiations ionisantes ou d\'autres substances dans l\'air, la terre ou les eaux maritimes (...) à une quantité telle qu\'elle provoque la mort ou une maladie (...) avec des séquelles irréversibles, se verra ajouter une peine de prison de deux à quatre ans à celle qui lui correspond [d\'office] pour les dommages causés aux personnes ».

  4. Code de procédure pénale
Article 531

« Afin de déterminer la nature et le montant de la caution, il faut prendre en compte la nature du délit, la situation sociale et le casier judiciaire du prévenu, ainsi que toute autre circonstance pouvant l\'influencer dans l\'intention de se soustraire à l\'autorité judiciaire ».

B. Droit international en vigueur au moment des faits

  1. Convention internationale pour la prévention de la pollution provenant de bateaux du 2 novembre 1973 (MARPOL 73/78) et son Protocole, adopté le 17 février 1978 et ratifiée par l\'Espagne le 6 juillet 1984

Elle a été amendée à plusieurs reprises, la dernière en juillet 2007 (entrée en vigueur décembre 2008). En particulier, l\'Annexe I de ladite Convention porte sur la prévention de la pollution par hydrocarbures et concerne la prévention de la pollution dans les situations d\'abordage ou échouement. Résultat de la fusion de deux traités, adoptés en 1973 et 1978 respectivement, cette Convention constitue le principal instrument international chargé de la protection de l\'environnement maritime face à la pollution provenant de navires, provoquée tant de façon opérationnelle qu\'accidentelle.

 
 
 
 
 

  2. Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer du 10 décembre 1982, ratifiée par l\'Espagne le 15 janvier 1997

 
Article 220
Pouvoirs de l\'État côtier
« (...)

3. Lorsqu\'un État a de sérieuses raisons de penser qu\'un navire naviguant dans sa zone économique exclusive ou sa mer territoriale a commis, dans la zone économique exclusive, une infraction aux règles et normes internationales applicables visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires ou aux lois et règlements qu\'il a adoptés conformément à ces règles et normes internationales et leur donnant effet, cet État peut demander au navire de fournir des renseignements concernant son identité et son port d\'immatriculation, son dernier et son prochain port d\'escale et autres renseignements pertinents requis pour établir si une infraction a été commise.

(...)

6. Lorsqu\'il y a preuve manifeste qu\'un navire naviguant dans la zone économique exclusive ou la mer territoriale d\'un État a commis, dans la zone économique exclusive, une infraction visée au paragraphe 3 ayant entraîné des rejets qui ont causé ou risquent de causer des dommages importants au littoral ou aux intérêts connexes de l\'État côtier ou à toutes ressources de sa mer territoriale ou de sa zone économique exclusive, cet État peut, sous réserve de la section 7, si les éléments de preuve le justifient, intenter une action, notamment ordonner l\'immobilisation du navire conformément à son droit interne.

7. Nonobstant le paragraphe 6, dans tous les cas où des procédures appropriées ont été soit établies par l\'intermédiaire de l\'organisation internationale compétente, soit convenues de toute autre manière pour garantir le respect des obligations concernant le versement d\'une caution ou le dépôt d\'une autre garantie financière appropriée, l\'État côtier, s\'il est lié par ces procédures, autorise le navire à poursuivre sa route.

(...) ».
Article 221

Mesures visant à empêcher la pollution
à la suite d\'un accident de mer

« 1. Aucune disposition de la présente partie ne porte atteinte au droit qu\'ont les États, en vertu du droit international, tant coutumier que conventionnel, de prendre et faire appliquer au-delà de la mer territoriale des mesures proportionnées aux dommages qu\'ils ont effectivement subis ou dont ils sont menacés afin de protéger leur littoral ou les intérêts connexes, y compris la pêche, contre la pollution ou une menace de pollution résultant d\'un accident de mer, ou d\'actes liés à un tel accident, dont on peut raisonnablement attendre des conséquences préjudiciables.

2. Aux fins du présent article, on entend par « accident de mer » un abordage, échouement ou autre incident de navigation ou événement survenu à bord ou à l\'extérieur d\'un navire entraînant des dommages matériels ou une menace imminente de dommages matériels pour un navire ou sa cargaison ».

C. Développement du droit interne et européen sur la protection de l\'environnement maritime

  Loi 26/2007 du 23 octobre sur la responsabilité environnementale

Cette loi règle la responsabilité des opérateurs de prévenir, éviter et réparer les dégâts environnementaux, conformément à l\'article 45 de la Constitution et aux principes de prévention et du pollueur-payeur.

2. Droit européen

  a) Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux

Cette directive a pour objet d\'établir un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du "pollueur-payeur", en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux.

  b) Directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l\'introduction de sanctions en cas d\'infractions

Article 3

Champ d\'application

« 1. La présente directive s\'applique, conformément au droit international, aux rejets de substances polluantes dans:

a) les eaux intérieures, y compris les ports, d\'un État membre, dans la mesure où le régime Marpol est applicable;

b) les eaux territoriales d\'un État membre;

c) les détroits utilisés pour la navigation internationale soumis au régime du passage en transit, conformément à la partie III, section 2, de la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dans la mesure où un État membre exerce une juridiction sur ces détroits;

d) la zone économique exclusive, ou une zone équivalente, d\'un État membre, établie conformément au droit international, et

e) la haute mer.

2. La présente directive s\'applique aux rejets de substances polluantes provenant de tout type de navire, quel que soit son pavillon, à l\'exception des navires de guerre et navires de guerre auxiliaires, ainsi que des autres navires appartenant à un État ou exploités par un État et affectés, au moment considéré, exclusivement à un service public non commercial.

(...)
Article 8
Sanctions

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les infractions [...] donnent lieu à des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui peuvent comprendre des sanctions pénales ou administratives.

2. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les sanctions visées au paragraphe 1 s\'appliquent à quiconque est jugé responsable d\'une infraction [...] ».

  3. Rapport du 30 mars 2005 de la Commission de l\'environnement, de l\'agriculture et des questions territoriales de l\'Assemblée parlementaire du Conseil de l\'Europe, sur la pollution des mers

(...)

Dans le domaine de la répression

« 167. Quatre pistes de réflexion pourraient être retenues :

a) Revenir sur le principe trop absolu de liberté de navigation. Il ne correspond plus au contexte des flux de transports contemporains, pour ouvrir la voie juridique à un contrôle passif, voire à terme actif, au moins dans les zones à risques, en traitant à cette occasion la question des responsabilités des contrôleurs.

b) Permettre et inciter tout État victime de dommages de pollution provoqués par un navire à demander réparation à l\'État dont le navire bat pavillon, lorsqu\'il est établi que les dommages résultent en totalité ou en partie de l\'absence d\'exercice, par l\'État du pavillon, de tout contrôle effectif sur le navire à l\'origine des dommages.

c) Modifier l\'article 230 de la convention du droit de la Mer. Il importe de poser plus clairement la possibilité de peine d\'emprisonnement dans le cas d\'infractions de pollutions les plus graves.

d) Créer un tribunal pénal maritime international. De même que la notion de crimes contre l\'humanité a fini par déboucher sur la création du tribunal pénal international, on ne peut exclure que dans l\'avenir, les États en viennent à consacrer « également la notion de « crime contre l\'environnement ». Ils tireraient ainsi les conséquences - au plan juridique - de l\'idée formulée par certains d\'ériger la mer en patrimoine commun de l\'humanité ».

EN DROIT
SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L\'ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

21.  Le requérant se plaint du caractère disproportionné du montant de la caution fixée par les autorités espagnoles. A cet égard, il affirme que ces autorités n\'auraient n\'ont pas pris en compte sa situation personnelle (profession, revenus, patrimoine, casier judiciaire, etc.) avant d\'en déterminer la somme. Le requérant invoque l\'article 5 § 3 de la Convention, dont la partie pertinente est ainsi libellée :

« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d\'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l\'intéressé à l\'audience. »

22.  Le Gouvernement s\'oppose à cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

23.  La Cour constate que ce grief n\'est pas manifestement mal fondé au sens de l\'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu\'il ne se heurte à aucun autre motif d\'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

a)  Le Gouvernement

24.  Le Gouvernement attire d\'emblée l\'attention sur le fait que le requérant se trouve actuellement en liberté et ajoute que le paiement de la caution est intervenu seulement deux mois et demi après la mise en détention provisoire, le montant exigé n\'ayant par conséquent pas empêché le requérant de s\'acquitter du versement.

25.  Dans la mesure où, en règle générale, l\'objectif primordial de la fixation d\'une caution est d\'assurer la présence de l\'individu au procès, force est d\'admettre qu\'en l\'espèce cet objectif a été atteint. Dans ce sens, le Gouvernement estime qu\'on ne saurait affirmer avec certitude qu\'une caution moins élevée aurait assuré ce même résultat. Il rappelle à ce sujet qu\'une des raisons soulevées par le juge d\'instruction no 4 de La Corogne afin de justifier le montant de la caution était justement le risque de fuite du requérant.

26.  De l\'avis du Gouvernement, dans la mesure où la caution a été versée, peu importe l\'origine des fonds employés, à savoir, qu\'ils proviennent du patrimoine du requérant lui-même ou de l\'armateur du navire. Par ailleurs, s\'agissant de ce type de délit, on ne peut faire abstraction des relations juridiques existant entre le capitaine et l\'armateur.

27.  Le Gouvernement affirme être conscient des exigences établies par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg concernant la nécessité de prendre en compte la situation personnelle du requérant au moment de fixer le montant de la caution. Ces exigences se veulent destinées à éviter que le paiement de ce montant devienne une anticipation de la peine sans que le requérant ait bénéficié auparavant des garanties d\'un procès équitable ni qu\'il y ait des preuves à charge suffisantes – ce qui irait à l\'encontre, entre autres, du droit à la présomption d\'innocence. Cependant, le Gouvernement estime qu\'en tout état de cause, ces garanties ne peuvent rentrer en jeu que si la présence du détenu provisoire au procès est assurée et rappelle qu\'en l\'espèce, le juge d\'instruction avait relevé le risque élevé de fuite du requérant. En conséquence, le montant de la caution se justifierait aux fins de garantir l\'objectif principal susmentionné, à savoir, assurer que le requérant se trouve à disposition de la justice lors du procès.

28.  Au demeurant, le Gouvernement signale que les circonstances personnelles au requérant ont effectivement été prises en compte, dans la mesure où les tribunaux ont considéré sa condition d\'étranger et son manque d\'attaches en Espagne. Ces éléments s\'ajoutent aux facteurs objectifs tels que la gravité des délits présumés, la répercussion nationale et internationale de l\'accident et l\'exceptionnelle gravité des dégâts occasionnés. L\'ensemble de ces circonstances a conduit le juge d\'instruction no 4 de La Corogne à fixer de façon suffisamment motivée et dénuée d\'arbitraire le montant de la caution, respectant les critères établis par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans les affaires Neumeister c. Autriche, no 1936/63, arrêt du 27 juin 1968et Iwańczuk c. Pologne, no 25196/94, arrêt du 15 novembre 2001.

29.  Quant à la proportionnalité de la caution, le Gouvernement estime qu\'elle a été démontrée du fait de son rapide versement.

30.  Dans la mesure où le montant fixé n\'a pas empêché la mise en liberté du requérant, le Gouvernement estime qu\'il n\'y a pas lieu de conclure à une violation de l\'article 5 § 3 de la Convention et propose le rejet de la requête pour défaut manifeste de fondement.

b)  Le requérant

31.  Pour sa part, le requérant signale que le versement de la caution n\'implique pas, en tant que tel, la proportionnalité de celle-ci et conteste l\'argument du Gouvernement selon lequel l\'origine des fonds utilisés pour s\'acquitter du paiement ne revêt pas d\'importance. En effet, la jurisprudence établie dans les affaires Neumeister et Iwańczuk précitées, prévoit de prendre en compte le patrimoine personnel du prévenu afin de déterminer s\'il peut faire face au paiement. Dans ce sens, le requérant signale qu\'aucune des décisions internes n\'a pris en considération sa situation financière avant de trancher sur la caution  et attire l\'attention sur le fait que le Gouvernement ne justifie pas comment le requérant, avec des revenus qui se limitent à ceux d\'un capitaine de navire, aurait pu s\'acquitter à lui tout seul d\'une caution de 3 000 000 d\'euros.

32.  Quant à la provenance des fonds, le requérant soutient qu\'aucun accord préalable ne fut signé avec son armateur selon lequel ce dernier paierait le montant de la caution. Il est d\'avis que les quatre-vingt trois jours écoulés avant d\'être mis en liberté corroborent sa version. En effet, si un tel accord avait existé, la somme aurait été payée dès le premier jour. A cet égard, il indique que la caution fut versée par « The London Steam-Ship Owners\' Mutual Insurance Association Limited » à titre spontané, exceptionnel et humanitaire.

33.  Le requérant tient par ailleurs à souligner que tant le juge d\'instruction no 4 de La Corogne que les autres juridictions qui confirmèrent le montant de la caution se limitèrent à mentionner la gravité des délits, l\'alarme sociale provoquée par le déversement du combustible, la nationalité grecque du requérant et son adresse permanente à l\'étranger et l\'absence de toute attache avec l\'Espagne, circonstances qui, de l\'avis du requérant, ne tiennent pas suffisamment compte de sa situation personnelle. Plus particulièrement, le requérant se plaint que les décisions internes ne firent nullement mention de son âge avancé. A ce sujet, il signale que, lors de son passage devant le juge d\'instruction, soit le 17 novembre 2002, il avait soixante-sept ans et note que le code pénal espagnol exempte les personnes âgées de plus de soixante-dix ans de purger une peine de prison. Compte tenu que la complexité de l\'affaire ne pouvait que contribuer à allonger la durée de la procédure d\'instruction, le juge compétent se devait d\'envisager que les possibilités réelles d\'exécution de la peine de prison que pourrait éventuellement se voir infliger le requérant s\'en trouvent diminuées. Le juge aurait dû pour cette raison réduire le montant de la caution. Le requérant signale au demeurant qu\'au jour de la présentation de ses observations à la Cour, la procédure se trouve encore en phase d\'instruction auprès des tribunaux espagnols.

34.  Contrairement au Gouvernement, le requérant est d\'avis que les quatre-vingt trois jours passés en détention provisoire (du 17 novembre 2002 au 7 février 2003) constituent une privation de liberté qui rentre dans le champ d\'application de l\'article 5 § 3 et rappelle que la Cour a déjà conclu à la violation de cette disposition même dans des affaires où le requérant avait été libéré après paiement de la caution (voir à cet égard les affaires Neumeister et Iwańczuk précitées).

35.  Le requérant estime finalement que la caution aurait dû être remplacée par d\'autres mesures moins restrictives de son droit à la liberté personnelle et mentionne à ce titre l\'interdiction de quitter le territoire espagnol et la surveillance policière qui, par ailleurs, ont été mises en place après le dépôt de la caution.

36.  A la lumière de ces arguments, le requérant demande à la Cour de conclure à la violation de l\'article 5 § 3 de la Convention.

 
 
 
 
 

2.  Appréciation de la Cour

a)  La jurisprudence de la Cour

37.  La Cour rappelle que selon sa jurisprudence, le montant de la caution doit être apprécié principalement « par rapport à l\'intéressé, à ses ressources (...) et pour tout dire à la confiance qu\'on peut avoir que la perspective de perte du cautionnement (...) en cas de non-comparution à l\'audience agira sur lui comme un frein suffisant pour écarter toute velléité de fuite » (Neumeister c. Autriche, arrêt du 27 juin 1968, série A no 8, p. 40, § 14). S\'agissant du droit fondamental à la liberté, garanti par l\'article 5 de la Convention, les autorités doivent vouer autant de soin à fixer un cautionnement approprié qu\'à décider si le maintien d\'une personne accusée en détention demeure ou non indispensable (Iwańczuk c. Pologne, no 25196/94, § 66, 15 novembre 2001 ; Schertenleib c. Suisse, no 8339/78, § 170, rapport de la Commission du 11 décembre 1980, Décisions et rapports 23).

b)  Application de la jurisprudence à la présente affaire

38.  La Cour note que le requérant a été privé de liberté pendant quatre-vingt trois jours et qu\'il a été libéré suite au dépôt d\'un aval bancaire de 3 000 000 d\'euros, correspondant au montant de la caution exigé. La Cour signale à cet égard que l\'article 531 du code de procédure pénale espagnol énonce les trois éléments principaux qui doivent être pris en compte lors de la fixation de la caution, à savoir, la nature du délit, la peine prévue et l\'intérêt juridique protégé, la situation sociale et le casier judiciaire du prévenu, ainsi que toute autre circonstance pouvant l\'influencer dans l\'intention de se soustraire à l\'autorité judiciaire. Il ressort du texte des décisions internes que dans le cas d\'espèce, les tribunaux se sont d\'une part fondés sur la gravité du délit et l\'alarme sociale provoquée et, d\'autre part, sur les circonstances personnelles du requérant, à savoir ses nationalité et domicile grecs ainsi que son manque d\'attaches en Espagne. En outre, la Cour se réfère à la motivation du Tribunal constitutionnel lors de l\'irrecevabilité du recours d\'amparo. En effet, la haute juridiction confirma les décisions des juridictions a quo et estima que le risque de fuite ne pouvait être atténué qu\'au moyen d\'une caution élevée, la présence du requérant au procès constituant une condition primordiale.

39.  La Cour reconnaît le caractère élevé de la caution. Elle observe cependant qu\'elle a été payée par la London Steamship Owners Mutual Insurance Association, qui se trouvait être l\'assureur de l\'armateur du Prestige, en l\'occurrence, l\'employeur du requérant (la société grecque Universe Maritime Ltd.), et qui, conformément au contrat conclu entre les deux parties, couvrait la responsabilité civile du navire en cas de dégâts occasionnés par la pollution. Par conséquent, la caution fut satisfaite en application de la relation juridique contractuelle existant entre l\'armateur et l\'assureur.

40.  Certes, après l\'acquittement du montant, le requérant retourna en Grèce, où il comparait régulièrement devant le commissariat. La procédure d\'instruction se trouvant à ce jour pendante devant le juge d\'instruction no 1 de Corcubión (La Corogne), ce système permet aux autorités espagnoles de connaître la localisation du requérant de façon permanente. En tout état de cause, la Cour attire l\'attention sur le fait que le but principal de la fixation de la caution, à savoir s\'assurer la présence du requérant au procès, continue à ce jour d\'être préservé.

41.  Dans ce contexte, la Cour ne saurait ignorer la préoccupation croissante et légitime qui existe tant au niveau européen qu\'international à l\'égard des délits contre l\'environnement. Elle relève à cet égard les pouvoirs et les obligations des États en matière de lutte contre les pollutions maritimes et la volonté unanime tant des États que des organisations européennes et internationales d\'en identifier les responsables, d\'assurer leur présence lors du procès et de les sanctionner (voir à cet égard la partie « droit interne et international » ci-dessus).

42.  La Cour estime qu\'il faut tenir compte des circonstances particulières de l\'affaire, à savoir, la spécificité des infractions commises dans le cadre d\'une « cascade de responsabilités » propre au domaine du droit de la mer et, en particulier, aux atteintes à l\'environnement maritime, et qui la distinguent des autres affaires où elle a été amenée à connaître de la durée d\'une détention provisoire. A ce sujet, la Cour est d\'avis que la gravité des faits de l\'espèce justifiait le souci des juridictions internes de déterminer les responsabilités dans la catastrophe naturelle et, par conséquent, il est raisonnable qu\'elles aient voulu s\'assurer de la présence du requérant au procès en fixant une caution élevée.

43.  Au demeurant, la Cour observe que la privation de liberté du requérant s\'est étendue sur une période plus courte que dans d\'autres affaires examinées par la Cour, où, bien qu\'il ne s\'agissait pas de trancher un délit contre l\'environnement maritime comme celui de l\'espèce, le requérant avait été également placé en détention avec possibilité d\'être libéré sous condition de paiement d\'une caution (voir, a contrario, Bojilov c. Bulgarie, no 45114/98, §§ 38 et ss. et Hristova c. Bulgarie, no 60859/00, § 111).

44.  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que les autorités nationales ont suffisamment justifié le caractère proportionné du montant de la caution devant être acquittée par le requérant et ont tenu suffisamment compte de ses circonstances personnelles, en particulier son statut de salarié de l\'armateur qui, à son tour, était assuré contre ce type d\'éventualités (voir § 49 ci-dessus). Elle considère que le montant de la caution en l\'espèce, bien qu\'élevé, n\'a pas été disproportionné compte tenu de l\'intérêt juridique protégé, de la gravité du délit en cause et des conséquences catastrophiques aussi bien du point de vue environnemental qu\'économique découlant du déversement de la cargaison.

45.  Il s\'ensuit qu\'il n\'y a pas eu violation de l\'article 5 § 3 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L\'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable ;
 

2.  Dit qu\'il n\'y a pas eu violation de l\'article 5 § 3 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 janvier 2009 en application de l\'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

 

       Santiago Quesada                                                           Josep Casadevall          Greffier            Président