L’oggetto della causa riguarda l’impatto ambientale di alcuni processi tecnologici di sfruttamento di una miniera d’oro a Baia Mare, in Romania.
Secondo il ricorrente, che agisce personalmente e in nome del proprio figlio minore, l’incidente avrebbe causato danni alla salute del figlio, sofferente di asma bronchiale. Inoltre l’inquinamento avrebbe procurato un aumento costante del numero di malati di cancro nella città di Baia Mare.
Nonostante i ricorsi e le denunce presentate dal ricorrente per ottenere l’annullamento della licenza di sfruttamento ovvero l’accertamento delle responsabilità civili e penali della società responsabile, l’autorità rumena è sempre rimasta inerte. Ad esempio, nel 2003 il Ministero dell’ambiente inviava al ricorrente una lettera in cui affermava che l’attività estrattiva non era pericolosa per la salute pubblica. Oppure il fatto che le procedure penali promosse dal ricorrente non abbiano avuto alcun seguito e siano state archiviate.
Invocando l’articolo 2 (diritto alla vita) della Convenzione i ricorrenti si lamentano che il processo tecnologico utilizzato rappresenti un pericolo per la loro vita. Denunciano anche la condotta omissiva delle autorità di fronte a questa situazione, nonostante le denunce presentate.
La Corte ha ritenuto, nella decisione di ricevibilità del 5 luglio 2007, che le allegazioni dei ricorrenti dovessero essere esaminate sotto il profilo dell’articolo 8 (diritto al rispetto della vita privata e familiare).
segnalazione a cura dell'Avv. Antonella MASCIA
Decisione di ricevibilità (in lingua francese):
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la
requête no 67021/01
présentée par Vasile Gheorghe TATAR et Paul TATAR
contre la Roumanie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 5 juillet 2007 en une chambre composée de :
Mme
E. Fura-Sandström, présidente,
M.
C. Bîrsan,
Mme
A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David
Thór Björgvinsson,
Mmes
I. Ziemele,
I.
Berro-Lefèvre,
juges,
et de M. S.
Quesada, greffier
de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 juillet 2000,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Les requérants, MM. Vasile Gheorghe Tatar et Paul Tatar, père et fils, sont des ressortissants roumains, nés respectivement en 1947 et 1979. Ils résident à Baia Mare. Ils sont représentés devant la Cour par Me A. Szabo, avocat à Odorheiul Secuiesc. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme B. Ramaşcanu puis par Mme R. Paşoi, co-agent, du ministère des Affaires étrangères.
A. Les circonstances de l’espèce
2. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1. La société exploitant la mine d’or de Baia Mare
3. S.C. « Aurul » S.A. Baia Mare est une société ayant son siège social au nord-ouest de la Roumanie et gérée par une société australienne, Esmeralda Exploration Limited et par une société anonyme roumaine, REMIN créée en 1992. S.C. « Aurul » S.A. a installé, à proximité de la ville de Baia Mare, sur une superficie de 80 hectares, une exploitation d’extraction d’or.
4. En 1998, la société S.C. « Aurul » S.A. obtint la licence d’exploitation de la mine d’or. Le 1er juin 1999, la licence fut approuvée par une décision du Gouvernement.
5. Le 18 décembre 2001, l’agence nationale pour les ressources minérales (« Agenţia nationalã pentru resurse minerale ») rédigea un acte additionnel à la licence initiale modifiant le nom du titulaire de la licence de concession qui était désormais S.C. Transgold S.A.
6. Conformément à l’article 16 de la licence d’exploitation, le titulaire était tenu de protéger l’environnement par une série de mesures telles que l’utilisation d’une technologie qui ne pollue pas l’eau, l’épuration des eaux usées, l’utilisation d’un processus d’extraction des métaux ne générant pas de nuisances ou d’acide cyanhydrique, etc.
7. Trois autorisations de fonctionnement ont été délivrées par le ministère de l’Environnement (« autorizaţia de mediu ») : i) les deux premières datent du 8 août 2002. Une première autorisation du 8 août 2002 concernait l’étang de décantation « Aurul ». Elle autorisait également un dépôt de substances chimiques (« depozitul de sterile ») et l’exploitation de l’étang et des constructions afférentes. La deuxième concernait l’usine d’extraction des métaux précieux (« Uzina de extragere a metalelor preţioase ») chargée de l’extradition et de la préparation des minerais non ferreux (excluant les minerais radioactifs). Une troisième autorisation, délivrée le 12 août 2002, concernait le transport des minerais entre l’usine et l’étang de décantation « Aurul ».
2. L’accident écologique du 30 janvier 2000 concernant la fuite d’eau cyanurée, tel que décrit dans un rapport d’étude de Nations Unies (UNEP/OCHA - Programme des Nations Unies pour l’environnement / Bureau de la coordination des affaires humanitaires)
La partie pertinente du rapport se lit comme suit :
« (...)
Accident : Le 30 janvier 2000, une
brèche de 2,5 m de
haut et 25 m de long s’est creusée,
libérant environ 100.000 m3
d’eaux
de traitement contenant des cyanures libres et des composés
de cyanure. La
teneur en cyanure total de ces eaux industrielles est
d’environ 400 mg/l, dont
120 mg/l de cyanures libres. La quantité de cyanures
libérés est estimée entre
50 et 100 tonnes ; il faut y ajouter la libération
de métaux lourds, en
particulier le cuivre. Les rivières successivement
touchées sont les rivières
Sasar, Lăpuş, Someş, Tisza, Danube.
La brèche apparue dans le bassin de rétention des eaux est probablement due à deux causes : 1. Dans les mines, les digues de stériles, dites "plages", sont en construction continue, la sécurité du bassin est principalement due à un bon équilibre entre la hauteur des digues et le niveau d’eau décantée au milieu du bassin. Les basses températures du mois de janvier 2000 (0 à -10o) ont rendu les opérations de cyclonage difficiles (gel des sous verses). Par conséquent, la société Aurul SA a préféré rejeter directement les stériles dans le bassin, sans augmenter la hauteur des parements, au lieu d’arrêter l’unité de production. (...) »
3. L’impact sur la santé du deuxième requérant et sur l’environnement
a) Thèse des requérants
8. D’après le premier requérant, cette société utilise, lors du processus technologique d’extraction, du cyanure de sodium, substance qui n’est plus utilisée par des sociétés similaires, en Europe, en raison du danger qu’elle représente pour la santé humaine. Il affirme que, depuis le mois de juin 1999, S.C. « Aurul » Baia Mare S.A., devenue S.C. Transgold S.A. Baia Mare, engendre une pollution excessive et dangereuse dans la ville de Baia Mare. Il fait valoir que le stockage et l’usage de cyanure de sodium lors du processus technologique représentent un risque réel pour la vie humaine. D’après lui, ce processus technologique a entraîné, chaque année, une augmentation du nombre de malades du cancer (de 1‑2 hospitalisations par jour en 1999 à 25-30 en 2000). Or, ce sont des personnes habitant à proximité du lieu d’exploitation de la mine d’or.
9. Par lettre du 10 décembre 2001, le premier requérant informa la Cour de ce que le deuxième requérant, Paul Tatar, son fils, était atteint d’asthme bronchique, en raison de la pollution générée par la société. Il a fourni des copies de certificats médicaux attestant de la maladie.
b) Thèse du Gouvernement
10. Selon une lettre de l’Institut pour la santé publique de Bucarest («Institutul pentru sãnatãte publicã Bucureşti »), du ministère de la Santé, versée au dossier par le Gouvernement, le cyanure de sodium serait utilisé dans un autre endroit que celui de l’extraction de l’or. Par conséquent, aucun lien de causalité ne saurait être retenu entre l’état de santé du deuxième requérant et le cyanure de sodium utilisé lors du processus technologique. Les conclusions du médecin en chef de l’Institut se lisent comme suit :
« - il n’y a aucune preuve de l’existence d’un effet nocif de l’exposition de la population au cyanure de sodium ou de l’augmentation des cancers ;
- le fait que les requérants habitent à proximité de l’exploitation de la mine d’or n’a aucun rapport avec l’exposition au cyanure de sodium (...) ;
- du point de vue médical, les affirmations des requérants sont sans fondement ;
- si on admettait la pertinence des affirmations des requérants, on devrait reformuler en totalité l’approche de la question de l’exposition de la population au cyanure de sodium s’agissant de l’industrie minière et des autres industries. »
11. Le 6 août 2004, le ministère de l’Environnement informa le Gouvernement que l’utilisation du cyanure de sodium dans l’extraction de l’or ou de l’argent n’avait pas été interdite par la législation de l’Union européenne, et que des États membres comme l’Espagne et l’Italie recouraient à cette substance. Il précisa en outre que des études d’impact environnemental autres que celle de 1993 avaient été réalisées afin de permettre en 2000 et en 2001 la délivrance des licences d’exploitation.
12. Le 17 août 2004, la direction départementale pour la santé publique de Maramureş (« Directia de sãnatãte publicã Maramureş ») informa le Gouvernement que la société Transgold S.A. détenait une autorisation pour l’utilisation de substances toxiques (no 13522/533/2001). C.P, médecin en chef de la direction départementale se référait à une étude d’impact environnemental, réalisée en 2001, qui excluait tout rapport de causalité entre les activités de la société et les maladies dont souffraient les habitants de la ville de Baia Mare. Toujours selon lui, le taux d’évolution des cas de cancer dans la région ne dépassait pas le taux au niveau national.
4. Rapports d’impact environnemental
13. Un rapport d’impact environnemental réalisé en 1993 par l’Institut de recherche du ministère de l’Environnement décrit le processus d’utilisation du cyanure de sodium. Le rapport décrit, entre autres, la façon dont le processus technologique devrait se dérouler :
« L’hydroxyde et le cyanure de sodium seront préparés dans des récipients spéciaux, par dosage manuel des quantités nécessaires et mélange des substances avec de l’eau industrielle. (...) Le cyanure de sodium sera livré dans des tonneaux métalliques de 50 litres, qui seront ensuite déposés dans un endroit spécial destiné à abriter les substances réactives. Les tonneaux seront transportés à l’aide d’un chariot élévateur jusqu’à la partie supérieure des récipients spéciaux. (...) Les tonneaux seront ouverts dans une installation spéciale ; après avoir été vidés, ils seront lavés. (...) Le cyanure de sodium sera transféré dans les dépôts CIL au moyen d’un réseau en circuit fermé (...). »
14. D’après ce même rapport, il y aurait des incertitudes quant à l’impact de l’utilisation de cette technologie sur l’environnement :
« 1. En Roumanie, on n’a pas encore utilisé la méthode proposée (...). Par conséquent, il est difficile d’apprécier avec certitude l’ampleur des nuisances générées ; on soupçonne que ces nuisances peuvent consister en aérosols, poussière, bruits et vibrations. On doit aussi apprécier le degré de dispersion d’aérosols, savoir si ce degré dépassera ou non les limites de la zone d’exploitation ; cette donnée est importante car les aérosols contenant du cyanure de sodium peuvent générer des malaises au niveau de l’appareil respiratoire s’ils se dirigent vers les zones habitées.
2. On ne peut pas apprécier la concentration de cyanure de sodium dans la solution qui sera décantée dans le nouvel étang Bozinţa. Sur la base d’autres expériences, la société australienne a indiqué comme valeur moyenne 200 mg CN/1.
3. La possibilité de réduction de 50 % du contenu en cyanure de sodium (à 100 mg/CN/1) durant le transfert de la solution vers l’étang au contact des facteurs environnementaux tels que rayons du spectre visible ou invisible, oxygène, etc., est incertaine, compte tenu des conditions climatiques de la Roumanie. D’après la littérature spécialisée consultée et l’expérience de ceux qui exploitent actuellement l’étang de Bozinţa, il n’y a, par voie naturelle, aucun processus significatif de réduction du taux de cyanure de sodium.
4. On ne peut pas apprécier l’impact de l’eau contenant un taux de cyanure de sodium de 100 mg CN/1 sur les oiseaux migrateurs (hirondelles de mer et canards sauvages). Il est possible que l’on assiste à une mortalité en masse (...).
5. En ce qui concerne la solution proposée pour l’isolation du fond de l’étang, à savoir l’interruption de l’intégralité de l’isolation sur certains points (conformément aux détails prévus par l’étude de faisabilité) et sa soudure sur les tuyaux de drainage, cette solution n’a jamais été connue des spécialistes de l’institut au niveau national et, par conséquent, il est difficile d’exprimer un point de vue (...). »
15. Les conclusions auxquelles les spécialistes de l’institut sont arrivés se basent sur les nombreux avantages économiques et sociaux et sur le fait que, dans le département de Baia Mare - région déjà exposée à d’autres activités comme l’industrie minière et l’usinage des minerais non ferreux, grande agglomération routière, densité de population élevée, agriculture - l’activité en question ne saurait influencer d’une « manière significative les caractéristiques actuelles de la région ».
16. Le
Gouvernement invoque, sans le verser au dossier, un autre rapport
d’impact
environnemental effectué en 2001 et qui prouverait
qu’il n’y a aucun lien de
causalité entre le cyanure de sodium découvert
dans le sol et les maladies de l’appareil
respiratoire tels que bronchite, asthme et pneumonie. En ce qui
concerne le
niveau de pollution de l’air, aucune dégradation
de la qualité de l’air due au
cyanure de sodium n’aurait été
constatée. Quant au nombre de cancers dans la
région, on n’aurait pas enregistré
d’augmentation significative. Selon les
données du ministère de
l’Environnement, il était de 269,9 cas/100.000
habitants en 2003 et de 218,69 cas/100.000 habitants en 2000. Le nombre
de
malades d’asthme en 2000 était de 142,2 et de
92,47 seulement en 2003.
5. Démarches administratives
17. Le premier requérant déposa plusieurs plaintes devant différentes autorités, ministère de l’Environnement, mairie de Baia Mare, délégation de la Commission Européenne en Roumanie, premier ministre de la Roumanie, président de la Roumanie, préfet de Maramureş, afin d’obtenir l’annulation de la licence d’exploitation de la société en cause et de faire sanctionner les responsables.
18. Dans ses plaintes, le premier requérant demandait également l’arrêt des activités de la société car, selon lui, elles représentaient un risque réel pour la vie humaine, ainsi qu’une enquête pour savoir si la société détenait une licence d’exploitation valable.
19. Le 1er avril 2002, les représentants du ministère de l’Environnement lui répondirent que la société fonctionnait en vertu d’une licence d’exploitation légale.
20. Le 29 avril 2002, à la suite d’une plainte du premier requérant concernant l’absence de licence d’exploitation, la mairie de Baia Mare adressa une lettre à la société pour l’inviter à faire les démarches nécessaires à son obtention.
21. Par lettre du 5 mars 2002, le Conseil départemental de Maramureş informa le premier requérant que la nouvelle société, S.C. Transgold S.A. n’avait pas encore obtenu de licence d’exploitation.
22. Le 26 septembre 2003, la Commission pour l’environnement (« Garda de mediu ») informa le requérant que le processus technologique de la société avait beaucoup évolué et que, s’agissant de la protection de l’environnement, l’exploitation s’effectuait en toute sécurité.
23. Par lettre du 27 novembre 2003, le ministère de l’environnement informa le premier requérant que les activités de la société Transgold S.A. Baia Mare ne représentaient pas de danger pour la santé publique et que sa technologie était également utilisée dans d’autres pays.
6. Démarches de nature pénale
a) Version des requérants
24. Le premier requérant déposa plusieurs plaintes pénales contre les membres de la direction de l’usine auprès du parquet près le tribunal de première instance de Maramureş, du parquet auprès du tribunal départemental de Maramureş, du parquet général, de la Cour suprême de justice et du ministère de la justice.
25. Il alléguait à la fois le danger que l’utilisation de cette technologie représentait pour la santé des habitants de la ville de Baia Mare, les risques pour l’environnement, ainsi que l’aggravation de l’état de santé de son fils.
26. Le 5 décembre 2000, le parquet près la Cour suprême de justice informa le premier requérant que sa plainte avait été renvoyée au parquet près le tribunal départemental de Maramureş pour y être instruite.
27. Par lettre du 20 décembre 2000, le parquet près le tribunal départemental, après avoir sollicité des informations auprès du ministère de l’Environnement, envoya copie de la réponse obtenue au premier requérant. D’après les informations soumises le 18 décembre 2000 par le Ministère de l’Environnement il n’y avait aucun risque de pollution en raison du procédé technologique utilisé par la société.
28. Le 9 février 2001, le ministère de la Justice informa le premier requérant que sa plainte avait été renvoyée devant le parquet près la Cour suprême de justice pour y être instruite.
29. Par ordonnance du 20 novembre 2001, le parquet auprès du tribunal départemental de Maramureş rendit un non-lieu en ce qui concernait l’accident du 30 janvier 2000, au motif que les faits dont le premier requérant se plaignait ne constituaient pas des infractions.
30. Les 22 février, 11 mars et 28 mars 2002, la Cour suprême de justice rejeta la plainte du premier requérant, au motif qu’elle n’était pas compétente en la matière.
31. Par deux ordonnances des 6 et 8 mars 2002, le parquet près la Cour suprême de justice renvoya la plainte du premier requérant devant le parquet près la Cour d’appel de Cluj pour y être instruites.
b) Version du Gouvernement
32. Le 1er décembre 2000, le premier requérant déposa une plainte pénale contre des employés de la société « Aurul » Baia Mare pour fraude fiscale et infraction à la loi sur la comptabilité.
33. Le 20 novembre 2001, D.A, procureur au parquet près le tribunal départemental de Maramureş, invoquant l’art. 11 § 1 (a) du Code de procédure pénale, prononça un non-lieu. Se fondant sur l’article 10 (a) du Code de procédure pénale, il estima que les faits exposés par le premier requérant ne constituaient pas des infractions. Le Gouvernement a versé au dossier copie de cette ordonnance.
34. Le premier requérant déposa auprès du parquet près la cour d’appel de Cluj une autre plainte pénale visant l’accident du 30 janvier 2000, cette fois-ci à l’encontre de la direction de la société S.C. « Aurul » S.A..
35. Par ordonnance du 29 mars 2001, le procureur A.C. rejeta la plainte du premier requérant pour les motifs suivants :
« (...) Après examen des allégations de M. Tatar Vasile, on a constaté qu’il existe un dossier d’enquête pénale, inscrit au rôle du parquet près le tribunal départemental de Maramureş, ayant comme objet la vérification des conditions dans lesquelles le bassin de rétention d’eau, appartenant à la société S.C. « Aurul » Baia Mare, avait cédé.
Dans le cadre des poursuites en cours pour pollution accidentelle, infraction prévue à l’art. 84, 1er alinéa, lettre c, de la loi no 137/1995 sur la protection de l’environnement, une expertise sera effectuée afin d’établir les causes qui sont à l’origine de la rupture du bassin.
Compte tenu de ce qu’une enquête pénale est pendante, la plainte du requérant est rejetée. »
36. L’enquête concernant la pollution accidentelle débuta le 1er février 2000 avec la saisie d’office, par la police de Maramureş, pour pollution accidentelle. Par ordonnance du 3 décembre 2001, D.B., procureur en chef du parquet près le tribunal départemental de Maramureş rendit un non-lieu. Le représentant du parquet, après avoir établi la faute de la société ayant réalisé le projet du bassin de rétention d’eau au motif qu’elle n’avait pas pris en considération les conditions climatiques défavorables et n’avait pas inclus un système d’évacuation d’urgence des eaux, estima que cette faute n’avait pas été déterminante dans la survenance de l’accident, car, compte tenu des conditions météo exceptionnelles il y avait, en l’espèce, un cas de force majeure.
37. Par ordonnance du 25 juillet 2002, le parquet près la Cour suprême de justice infirma le non-lieu du 3 décembre 2001 et ordonna au parquet près la cour d’appel de Cluj de réexaminer la plainte pénale initiale.
38. Le 12 décembre 2002, M.N., procureur au parquet près la cour d’appel de Cluj, ordonna un non-lieu en ce qui concernait M.N.N. (dirigeant de ladite société). Le procureur estima qu’en l’espèce, il s’agissait d’un cas de force majeure, car les conditions météo défavorables (augmentation brusque de la température suivie d’une forte pluie) étaient les éléments déterminants de l’accident.
39. Il ressort des éléments du dossier que le 29 janvier 2003, le procureur en chef du parquet près la Cour suprême de justice infirma l’ordonnance du 12 décembre 2002 et ordonna au parquet près la cour d’appel de Cluj la reprise des poursuites.
40. Saisi à nouveau de l’affaire, le 22 mai 2003, C.M. procureur au parquet près la cour d’appel de Cluj, après avoir effectué des nouvelles recherches, ordonna un non-lieu pour les mêmes motifs.
7. Informations publiques relatives aux risques que le cyanure représente pour la santé humaine et l’environnement ainsi que sur la fuite d’eau cyanurée qui a eu lieu le 30 janvier 2000 en Roumanie
a) Selon la Fiche Internationale de Sécurité Chimique publiée par l’ICSC (no 1118/1999) :
« La substance se décompose en brûlant, produisant des fumées toxiques (des oxydes d’azote). La substance est une base forte, qui réagit violemment avec les acides et qui est corrosive pour les métaux (l’aluminium et le zinc). Réagit violemment avec les oxydants forts tels que les nitrates et les chlorates en provoquant des risques d’incendie et d’explosion. La substance se décompose en présence d’air, d’humidité et de dioxyde de carbone produisant un gaz très toxique et inflammable (le cyanure d’hydrogène). Le contact avec les acides et les sels acides provoque la formation immédiate d’un gaz très toxique et inflammable, le cyanure d’hydrogène. La substance peut être absorbée par l’organisme par inhalation, à travers la peau et les yeux, et par ingestion. La substance peut être dangereuse pour l’environnement; une attention particulière doit être accordée aux poissons. Il est fortement recommandé de ne pas laisser ce produit contaminer l’environnement en raison de sa persistance dans l’environnement. »
b) Extraits du Rapport2 d’étude des Nations Unies (UNEP/OCHA) sur la fuite d’eau cyanurée en Roumanie qui a eu lieu le 30 janvier 2000 :
« La catastrophe de la mine d’Aurul en Roumanie a fait couler beaucoup d’encre dans les journaux. Afin de rester objectifs, nous tenons à apporter quelques précisions sur cet événement dans le souci de servir l’environnement.
Résumé du rapport (non exhaustif) :
(...)
La récupération des métaux concerne l’or et l’argent. La production prévue est de 1,6 tonne d’or et 9 tonnes d’argent par an à partir de 2,5 millions de tonnes annuels de résidus miniers. La durée de vie de la société est prévue entre 10 et 12 ans. Les résidus de l’exploitation (après extraction de l’or et de l’argent) sont déposés sur un nouveau bassin, construit par la technique du cyclonage.
La superficie est de 93 ha et l’étanchéité est assurée par une membrane plastique au fond du bassin et par un système de drainage ; ainsi toute fuite peut être récupérée par le drainage et la membrane permet qu’aucune interaction ne soit possible avec les nappes d’eau souterraines.
(...)
2. De mauvaises conditions climatiques. De décembre 1999 à janvier 2000, il y a eu 26 mm de pluie, puis 120 mm de neige et de nouveau 40 mm de pluie sur la couverture neigeuse. La fonte des neiges et les pluies supplémentaires ont entraîné une montée incontrôlée du niveau d’eau dans le bassin qui a débordé.
Au départ, la conception du bassin prévoyait des conditions de stockage suffisamment sûres pour un événement pluvieux extrême jusqu’à 118 mm d’eau, soit moins de précipitations que celles enregistrées en décembre 1999/janvier 2000. Aucun plan pour ces situations de montée du niveau d’eau dans le bassin n’a été prévu. Le gouvernement roumain avait toutefois classé l’exploitation comme « à risque ordinaire » car l’exploitation était destinée a fonctionner en circuit fermé pour les eaux cyanurées et ne prévoyait pas de rejets dans l’environnement.
Or, si l’on prend en considération des valeurs connues de précipitations et d’évaporation locale, on s’aperçoit que le déséquilibre entre précipitations et évaporation excède en moyenne 300 mm par an. La répartition de l’évaporation sur l’année est très variable et elle est nulle à la froide saison. D’autre part, la forte concentration en cyanure des eaux du bassin est volontairement maintenue afin de récupérer les cyanures libres pour la production.
La fuite des eaux cyanurées a été stoppée le 2 février 2000. Entre le 31 janvier et le 2 février, la fuite a été réduite à un débit de 50 l/s et traitée à l’hypochlorite de sodium (eau de Javel), réactif qui permet d’éliminer les éléments cyanurés.
La compagnie Aurul SA a utilisé la bonne méthode pour intervenir d’urgence. Le système d’alerte établi suffisamment tôt en vertu de la convention sur la protection du Danube, a permis d’avertir normalement les pays voisins.
Analyses.
Eaux de surface. La teneur en
cyanures provenant de la pollution a été
réduite de 19,4 mg/l au site d’Aurul à
7,8 mg/l à Statu Mare, 10 km en aval.
Par contre, à Csenger, sur le côté
hongrois, la teneur en cyanures atteint 32,6
mg/l. La seule explication possible quant à la
différence des résultats des
mesures fournis par la Roumanie et par la Hongrie, est la
suivante :
La situation des prélèvements et la présence de glace sur la rivière allongeant les intervalles de temps entre chaque prise d’échantillons. Ainsi, les prélèvements roumains n’auraient pas pris en compte le pic de concentration en cyanures. Dans le bassin d’Aurul, les concentrations de cyanures libres sont très hautes, entre 66 et 81 mg/l, de même pour le cuivre : 412,3 mg/l, le fer : 31,3 mg/l, le manganèse : 18 mg/l et le zinc : 14,5 mg/l. Dans la rivière Lăpuş, après la confluence avec la rivière Sasar, la concentration en cyanures est de 0,88 mg/l (26 et 27/02/00) ; la rivière Someş, après sa confluence avec la rivière Lăpuş, a une concentration de 0,035 mg/l de cyanures libres. Ces résultats indiquent qu’il existe bien une transmission de la pollution en cyanures entre les différentes rivières, mais que les cyanures se détruisent biologiquement et ont été dilués par les débits des rivières. Selon la norme standard roumaine, le seuil de concentration de cyanure total est de 0,01 mg/l pour les eaux de surface. La diminution des teneurs en métaux lourds (cuivre, plomb, zinc) apparaît également le long des rivières.
Pour les trois métaux lourds cuivre, plomb, zinc, les contaminations dans les sédiments augmentent dramatiquement en aval du bassin d’Aurul : c’est un indicateur évident du dépôt de la pollution d’Aurul dans les sédiments de la rivière Lăpuş. Mais, on observe aussi de fortes concentrations de ces éléments dans des sédiments de rivières non touchées par la catastrophe d’Aurul : cela indique qu’il existe depuis longtemps d’autres sources de pollutions industrielles et des émissions diffuses, probablement de l’agriculture et de déchets domestiques, se dirigeant vers les rivières Lapus - Tisza - Danube, depuis longtemps.
Les autorités hongroises estiment que la quantité totale de poissons tués est de plus de 1.000 tonnes alors que les autorités roumaines annoncent des chiffres très faibles à cet égard.
Eaux de
consommation « ... »
Les puits proches de Bozanţa Mare Village en Roumanie n’étaient déjà pas autorisés avant la fuite. 0,785 mg/l de cyanures sont mesurés, et d’autre part, de fortes concentrations de nitrate, ammoniaque et ortho-phosphate indiquent l’impact de l’activité humaine sur les eaux souterraines.
En Hongrie, les systèmes d’approvisionnement en eau et les puits n’ont pas été touchés par la pollution (pas de connexion hydraulique entre la Tisza et les eaux souterraines) ; en Yougoslavie aussi, les risques pour la santé humaine de cette fuite d’Aurul semblent minimes mais la pollution à long terme par les métaux lourds peut avoir des effets chroniques sur la santé. La fuite d’Aurul a eu lieu dans une région déjà contaminée par les métaux lourds, à cause d’un passé minier et métallurgique très ancien. »
B. Le droit et la pratique internes pertinents
41. Loi no 137 pour la protection de l’environnement, du 29 décembre 1995, publiée au Journal Officiel (« Monitorul Oficial »), première partie, no 70, du 17 février 2000. Les dispositions pertinentes de la loi no 137, telles que rédigées à l’époque des faits, se lisaient ainsi :
Article 5
« L’État reconnaît à toute personne le droit à un environnement sain et garantit :
a) l’accès aux informations concernant la qualité de l’environnement ;
b) le droit de s’associer dans des organisations pour la défense de l’environnement ; (...)
d) le droit de s’adresser, directement ou par l’intermédiaire des associations, aux autorités administratives ou judiciaires dans un but de prévention, ou en cas de préjudice direct ou indirect ;
e) le droit à un dédommagement pour le préjudice subi. »
Article 6
« La protection de l’environnement est un devoir pour les autorités de l’administration centrale ainsi que pour toute personne physique et morale. »
Article 7
« La responsabilité pour la protection de l’environnement incombe à l’autorité centrale pour la protection de l’environnement et à ses agences territoriales. »
« ... »
Article 81
« La responsabilité pour faute a un caractère objectif (....). En cas de pluralité d’auteurs, il y a une responsabilité collective (...) »
Article 86
« Le constat d’une infraction et les poursuites seront effectués d’office par l’autorité compétente. »
42. L’ordonnance du gouvernement no 195/2005 sur la protection de l’environnement a été approuvée par la loi no 265/2006. Publiée au Journal Officiel (« Monitorul Oficial »), première partie, no 586 du 6 juillet 2006, elle abroge la loi no 137 pour la protection de l’environnement, du 29 décembre 1995. Cette nouvelle loi réaffirme les principes de base pour la protection de l’environnement, redéfinit certains termes spécifiques ainsi que le régime de certaines substances, renforce la protection des eaux et du sol et augmente la responsabilité des autorités centrales et locales et celle des personnes physiques et morales.
43. La
Convention internationale du 25 juin 1998 (Aarhus, Danemark) sur
l’accès à l’information,
la participation du public au processus décisionnel et
l’accès à la justice en
matière d’environnement, a
été ratifiée par la Roumanie par la
loi no
86/2000 et publiée dans le Journal Officiel,
première partie, no 224
du 22 mai 2000. Les dispositions pertinentes se lisent ainsi :
Article 3
« 1. Chaque Partie prend les mesures législatives, réglementaires ou autres nécessaires, y compris des mesures visant à assurer la compatibilité des dispositions donnant effet aux dispositions de la présente Convention relatives à l’information, à la participation du public et à l’accès à la justice, ainsi que des mesures d’exécution appropriées, dans le but de mettre en place et de maintenir un cadre précis, transparent et cohérent aux fins de l’application des dispositions de la présente Convention. »
« 2. Chaque Partie tâche de faire en sorte que les fonctionnaires et les autorités aident le public et lui donnent des conseils pour lui permettre d’avoir accès à l’information, de participer plus facilement au processus décisionnel et de saisir la justice en matière d’environnement. » (...)
« 7. Chaque Partie œuvre en faveur de l’application des principes énoncés dans la présente Convention dans les processus décisionnels internationaux touchant l’environnement ainsi que dans le cadre des organisations internationales lorsqu’il y est question d’environnement » (...)
« 9. Dans les limites du champ d’application des dispositions pertinentes de la présente Convention, le public a accès à l’information, il a la possibilité de participer au processus décisionnel et a accès à la justice en matière d’environnement sans discrimination fondée sur la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d’une personne morale, sans discrimination concernant le lieu où elle a son siège officiel ou un véritable centre d’activités. »
Article 4
« 1. Chaque
Partie fait en sorte que, sous réserve des paragraphes
suivants du présent
article, les autorités publiques mettent à la
disposition du public, dans le
cadre de leur législation nationale, les informations sur
l’environnement qui
leur sont demandées, y compris, si la demande leur en est
faite et sous réserve
de l’alinéa b) ci-après, des copies des
documents dans lesquels ces
informations se trouvent effectivement consignées, que ces
documents renferment
ou non d’autres informations :
a) Sans
que le public ait à faire valoir un
intérêt particulier ;
b) Sous
la forme demandée à moins :
i) Qu’il
soit raisonnable pour l’autorité publique de
communiquer les informations en
question sous une autre forme, auquel cas les raisons de ce choix
devront être
indiquées ; ou
ii) Que
les informations en question aient déjà
été rendues publiques sous une autre
forme.
2. Les
informations sur l’environnement visées au
paragraphe 1 ci-dessus sont mises à
la disposition du public aussitôt que possible et au plus
tard dans un délai d’un
mois à compter de la date à laquelle la demande a
été soumise, à moins que le
volume et la complexité des éléments
d’information demandés ne justifient une
prorogation de ce délai, qui pourra être
porté au maximum à deux mois. L’auteur
de la demande est informé de toute prorogation du
délai et des motifs qui la
justifient (...). »
Article 9
« 1. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d’informations qu’elle a présentée en application de l’article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu’elle n’a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.
Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu’une instance judiciaire.
Les décisions finales prises au titre du présent paragraphe 1 s’imposent à l’autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l’accès à l’information est refusé au titre du présent paragraphe. »
C. Le droit
européen
44. La résolution no 1430/2005 de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe sur les risques industriels, dans sa partie pertinente, se lit comme suit :
« 1. Certaines
installations
industrielles présentent, par la nature de leur
activité et des substances
utilisées, des risques d’autant plus importants
qu’elles se trouvent à
proximité de zones habitées, car celles-ci et
leurs habitants sont
particulièrement exposés en cas
d’accident.
2. L’Assemblée parlementaire est d’avis que disposer d’une législation adéquate en matière d’implantation d’installations industrielles est une condition indispensable pour mener une politique efficace de prévention et de limitation des accidents majeurs. En 1976, l’accident chimique de Seveso (Italie) fut à l’origine de la première directive des Communautés européennes en la matière. Son champ d’application a été progressivement élargi. On peut rappeler à cet égard les accidents industriels à Baia Mare (Roumanie) en 2000, à Enschede (Pays-Bas) en 2000 ainsi qu’à Toulouse (France) en 2001. Encore plus récemment, la catastrophe de Ghislenghien (Belgique), survenue en juillet 2004, a accru la nécessité d’une législation appropriée qui soit appliquée rigoureusement.
(...)
8. En
conséquence, l’Assemblée invite
instamment les États membres :
i. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention no 174 de l’OIT sur la prévention des accidents industriels majeurs ;
ii. à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention CEE-Onu sur les effets transfrontières des accidents industriels ;
iii. à élaborer ou à mettre à jour rapidement une législation nationale en matière de prévention et de limitation des accidents majeurs de certaines activités industrielles, conformément aux conventions internationales précitées et en s’inspirant de la Directive 96/82/CE de l’Union européenne ;
iv. à améliorer la diffusion de l’information sur les bonnes pratiques de prévention et de limitation des accidents majeurs, déjà mises en œuvre par certains Etats membres ;
v. à développer une politique de limitation des risques d’accidents majeurs liés à des activités qui ne relèvent pas de la réglementation internationale et européenne précitée, notamment, dans le cadre d’activités industrielles impliquant des substances dangereuses présentes dans des quantités inférieures aux seuils utilisés dans la réglementation ou en ce qui concerne le transport de substances dangereuses par canalisations ;
vi. à définir clairement les compétences des différentes autorités concernées par la politique d’aménagement du territoire, en particulier en matière de prévention et de gestion des risques industriels ;
vii. à développer des réglementations appropriées, notamment en ce qui concerne :
a. l’autorisation de nouvelles implantations d’habitations près d’établissements industriels existants ;
b. la délivrance des permis de bâtir pour des nouveaux établissements à risque ou pour des extensions importantes de ceux-ci, surtout quand des habitations se trouvent à proximité;
c. le contrôle des activités industrielles dans les établissements à risque, en ce qui concerne l’organisation d’inspections régulières et approfondies ;
d. l’interdiction d’exploitation si des manquements graves sont constatés ;
viii. à intensifier les efforts pour résorber rapidement le retard considérable constaté dans l’élaboration et la mise à l’essai des plans d’urgence pour les établissements concernés ;
ix. à inciter leurs collectivités territoriales à conclure des accords de coopération transfrontalière en matière de prévention des risques industriels et de collaboration en cas d’accident, en s’inspirant des modèles d’accord prévus par la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106).
9. L’Assemblée invite également :
i. les États membres de l’Accord partiel ouvert du Conseil de l’Europe EUR-OPA Risques majeurs à développer les travaux et la coopération en ce qui concerne l’étude, la prévention et la gestion des risques industriels majeurs ;
ii. la Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire (Cemat) à se pencher d’une manière approfondie sur le sujet de l’emplacement des établissements industriels à risque par rapport aux zones habitées et à faire des propositions visant à une harmonisation des politiques européennes d’aménagement du territoire en la matière.
10. L’Assemblée invite en outre la Commission européenne et les États membres de l’Union européenne:
i. à œuvrer pour la réalisation rapide de la banque de données techniques visée à l’article 19 de la Directive 96/82/CE ;
ii. à mettre toutes les connaissances accumulées au niveau communautaire à la disposition des autres États membres du Conseil de l’Europe. »
45. Communication
de la Commission relative à la
sécurité des activités
minières: étude de suivi des
récents accidents miniers (COM/2000/0664 final), en vertu de
laquelle le
Parlement Européen a adopté le 5 juillet 2001 une
résolution (JO
C 65 E du 14.3.2002, p. 382). La Communication de la Commission se
lit comme suit dans sa partie pertinente :
« (...)
La
pollution du Danube provoquée à Baia Mare, en
Roumanie, par une fuite de
cyanure consécutive à la rupture d’une
digue entourant un bassin de stériles,
ajoutée à un accident qui s’est produit
en 1998 à Aznalcóllar, en Espagne, où
une rupture de digue s’est traduite par
l’empoisonnement de l’environnement du
parc national de Coto Doñana, ont sensibilisé
davantage le public aux risques
que font courir les activités minières
à l’environnement et la
sécurité.
L’accident
de
Baia Mare a révélé que le public
connaissait et comprenait très mal les risques
inhérents à l’exploitation
minière et aux processus industriels qui y sont
liés
dans la région concernée. Il a
également montré l’insuffisance de la
communication entre les autorités des divers niveaux ainsi
qu’entre les
autorités, les organisations non gouvernementales (ONG) et
le public en ce qui
concerne les options et possibilités en matière
de préparation aux situations d’urgence,
de réaction aux urgences et de prévention des
dommages.
Ces
accidents
ont également soulevé la question de
l’efficacité des politiques communautaires
de prévention de tels désastres, et
attiré l’attention sur la
nécessité d’examiner
la politique environnementale dans ce domaine.
La
Commission
a déjà arrêté sa politique
en vue de promouvoir le développement durable de
l’industrie
extractive non énergétique dans l’UE,
qui englobe également l’extraction des
minerais métalliques, dans sa communication du 3 mai 2000
[1]. La présente
communication, qui doit être placée dans ce
contexte, vise à présenter les
accidents et à informer le Conseil et le Parlement
européen d’une manière plus
approfondie sur certaines des actions annoncées dans la
communication
précédente, en mettant l’accent sur la
prévention des accidents dans le domaine
de l’extraction des minerais métalliques. Elle
vise également à permettre aux
principales parties intéressées, notamment
l’industrie, les ONG, les États
membres et d’autres parties concernées,
d’exposer leurs points de vue sur ces
actions. La communication a été
établie en consultation étroite avec la Task
Force "Baia Mare" (voir chapitre 3.1.). Pour les informations
techniques concernant l’accident de Baia Mare, la
présente communication a
largement utilisé le rapport du PNUE/OCHA [2].
(...)
5. Situation
actuelle de la législation communautaire relative
à l’environnement
Une
série d’instruments
juridiques communautaires visent les aspects environnementaux des
activités
minières.
5.1. Directive
85/337/CEE [4] du Conseil, telle qu’elle a
été modifiée par la directive
97/11/CE du Conseil sur l’évaluation des
incidences de certains projets publics
et privés sur l’environnement [5], et convention
d’Espoo de la Commission
Économique des Nations Unies pour l’Europe sur
l’évaluation des effets
environnementaux transfrontières [6]
[4]
JO L 175
du 5.7.1985.
[5]
JO L 73 du
14.3.1997.
[6]
JO C 104
du 24.4.1992.
La
Directive
97/11/CE du Conseil, surnommée la directive EIE (pour
"évaluation de l’impact
sur l’environnement"), telle qu’elle a
été modifiée par la directive
97/11/CEE du Conseil, exige la réalisation d’une
évaluation des effets
environnementaux d’un grand nombre
d’activités économiques, notamment les
activités minières et l’exploitation de
barrages, dans les cas où ces activités
sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur
l’environnement.
La
directive
EIE met l’accent sur une approche préventive
puisqu’elle exige une évaluation
des effets environnementaux probables des activités avant
l’octroi du permis d’exploitation.
Cette évaluation doit figurer dans un rapport
environnemental dont l’autorité
compétente accordant le permis doit tenir compte. Elle doit
mentionner les
mesures d’atténuation des effets
envisagées. L’implication et la participation
du public forment un aspect important lors de la procédure
d’évaluation des
effets, dans le cadre des règlements applicables. Les
autorités compétentes
doivent tenir le plus grand compte des observations
présentées à cette
occasion. Une telle approche participative garantit la transparence,
l’implication
précoce et l’information du public, et aide
à identifier et atténuer les
risques pour l’environnement.
La
directive
EIE assure aussi la mise en œuvre de la convention
d’Espoo de la Commission
Économique des Nations Unies pour l’Europe sur
l’évaluation des effets
transfrontières. Signée en 1991, la convention
d’Espoo est entrée en vigueur en
1997. Elle compte actuellement 30 parties contractantes, notamment la
Commission européenne, et concerne entre autres les
activités minières et les
barrages. Si un projet donné est susceptible de produire des
effets
environnementaux transfrontières significatifs, les parties
concernées doivent
en être avisées, et toutes les informations
relatives au projet ainsi que le
rapport environnemental doivent être soumis au public
susceptible d’être touché
pour permettre à celui-ci de commenter le projet. Les
résultats de cette
consultation transfrontières doivent être pris en
compte par l’autorité
compétente de la partie responsable de l’octroi
d’une autorisation au projet.
5.2. Directive
76/464/CEE du Conseil concernant la pollution causée par
certaines substances
dangereuses déversées dans le milieu aquatique de
la Communauté [7]
[7]
JO L 129
du 18.5.1976, p. 23.
Cette
directive vise la pollution causée par le
déversement de substances dangereuses
dans le milieu aquatique, mais pas la pollution accidentelle. Cinq
directives
"filles" ont réglementé une série de
18 substances, y compris le
cadmium et le mercure, en fixant à
l’échelon communautaire des valeurs
d’émission
limites et des normes de qualité à respecter pour
le milieu aquatique. Les
États membres sont tenus d’établir des
programmes nationaux de réduction des
émissions pour les polluants concernés, qui
doivent être identifiés parmi une
vaste gamme d’autres substances comprenant notamment les
cyanures et les métaux
lourds. Ces programmes doivent prévoir des objectifs de
qualité de l’eau
juridiquement contraignants ainsi que des
échéances à respecter pour la mise en
œuvre de certains objectifs de réduction des
émissions. En ce qui concerne les
activités minières, il existe un potentiel de
pollution considérable résultant
de certaines substances dangereuses pouvant causer des effets nuisibles
sur le
milieu aquatique. L’identification d’une telle
pollution entraîne la nécessité
d’une demande d’autorisation de
déversement des polluants concernés. Cette
directive permettrait ainsi d’exercer un contrôle
efficace de la pollution de
sources ponctuelles dans l’industrie minière.
5.3. Directive
96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la
maîtrise des dangers
liés aux accidents majeurs impliquant des substances
dangereuses (directive
Seveso II) [8], et convention de la Commission Économique
des Nations Unies
pour l’Europe sur les effets transfrontières des
accidents industriels [9]
[8]
JO L 10 du
14.1.1997, p. 13.
[9]
JO L 326
du 3.12.1998, p. 1.
Cette
directive vise à prévenir les accidents majeurs
impliquant des substances
dangereuses et à limiter leurs conséquences pour
l’homme et pour l’environnement,
afin d’assurer dans toute la Communauté des
niveaux de protection élevés d’une
façon cohérente et efficace.
La
principale
nouveauté de Seveso II consiste en l’introduction
de l’obligation pour les
exploitants industriels de mettre en œuvre des
systèmes de gestion de la
sécurité, notamment une évaluation
détaillée des risques comportant les
scénarios d’accident possibles. Cette
évaluation joue un rôle essentiel dans la
prévention des accidents majeurs.
Le
champ d’application
général de la directive Seveso II sont les usines
chimiques et les aires de
stockage où des substances dangereuses sont
présentes dans des quantités
dépassant certaines quantités seuils.
L’article
4,
sous e), de la directive exclut du champ d’application les
activités des industries
extractives concernées par l’exploration et
l’exploitation de minéraux dans des
mines et carrières ou au moyen de trous de sonde. En outre,
l’article 4, sous
f), exclut les décharges de déchets du champ
d’application.
Ces
exclusions
remontent à la directive Seveso originale de 1982, qui
excluait de son champ d’application
l’extraction ou autres activités
minières ainsi que les installations de
décharge de déchets toxiques et dangereux
visés par des actes communautaires,
dans la mesure où ces actes ont pour but la
prévention d’accidents majeurs.
Lorsque
la
proposition de directive Seveso II a été
présentée au Conseil et au Parlement
européen, le mémorandum explicatif a
justifié le maintien des exclusions
ci-dessus en déclarant que "bien que ces secteurs
présentent un potentiel
d’accidents majeurs, ils n’entrent pas
aisément dans le cadre de la proposition
en raison de certaines nécessités ou dangers
spécifiques."
La
directive
Seveso II permet une certaine marge
d’interprétation de son champ
d’application
qui pourrait être utilisée pour en exclure les
activités de traitement et/ou
les bassins ou les digues de stériles.
Cette
directive met également en œuvre la convention de
la Commission Économique des
Nations Unies pour l’Europe sur les effets
transfrontières des accidents
industriels. Signée en 1992, cette convention est
entrée en vigueur
en avril 2000. Elle compte actuellement 17 parties
contractantes,
dont la Communauté européenne.
L’objectif de la convention consiste à
protéger
la santé humaine et l’environnement contre les
accidents industriels
susceptibles de créer des effets transfrontières,
et à promouvoir une
coopération internationale active entre les parties
contractantes avant,
pendant et après ce type d’accident. Elle ne
s’applique cependant pas aux
défauts des digues, à l’exception des
effets des accidents industriels causés
par de tels défauts.
(...)
5.5. Directive
96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la
prévention et à la
réduction intégrée de la pollution
(directive IPPC) [13]
[13]
JO L 257
du 10.10.1996.
Toutes
les
installations visées par l’annexe I de la
directive IPPC sont tenues d’obtenir
un permis d’exploitation des autorités
compétentes dans les États membres. Pour
la pollution ordinaire, les permis doivent comporter des valeurs
limites d’émission
ou des paramètres équivalents, basés
sur l’utilisation de la meilleure
technologie disponible (MTD). De plus, les permis doivent inclure des
dispositions traitant des conditions autres que les conditions
d’exploitation
normales, concernant le démarrage, les dysfonctionnements
liés à des fuites,
les interruptions momentanées et la cessation
définitive de l’exploitation,
lorsque l’environnement est susceptible
d’être affecté.
La
directive
IPPC traite des effets environnementaux globaux des processus de
production, à
savoir la pollution de l’air, de l’eau et du sol,
la production de résidus de
traitement, l’utilisation d’énergie,
etc. Elle met davantage l’accent sur la
prévention que sur une diminution de la pollution "en bout
de course".
Elle distingue les installations nouvelles ou substantiellement
modifiées des
installations existantes. La première de ces
catégories se voit appliquer
toutes les dispositions de la directive
depuis octobre 1999. Pour les
installations de la deuxième catégorie, les
États membres disposent de la
période s’achevant en octobre 2007 pour assurer
leur conformité à la directive.
Les
activités
d’extraction de minerais ne sont pas visées par la
directive IPPC mais les
activités similaires à celles du site de Baia
Mare entrent déjà dans son champ
d’application. En effet, le paragraphe 2.5 (b) de
l’annexe I vise les
"installations de production de métaux non ferreux bruts
obtenus par des
procédés métallurgiques, chimiques ou
électrolytiques à partir de minerai, de
concentrés ou de matières premières
dérivées".
La
directive
IPPC ne peut toutefois concerner tous les sites de l’Union
européenne qui
emploient des digues de stériles. Ces sites peuvent soit ne
pas être des sites
de production (s’ils sont isolés du site de
production à proprement parler),
soit ne pas produire de métaux bruts (par exemple
s’ils produisent des
concentrés), soit ne pas être
considérés comme des décharges
relevant de la
catégorie 5.4 de l’annexe I de la directive ("les
décharges qui reçoivent
plus de 10 tonnes par jour ou dont la capacité totale
dépasse 25 000 tonnes, à
l’exception des décharges de déchets
inertes"). Il est néanmoins probable
que la plupart des digues atteignent ces quantités seuils.
Contrairement
à la directive IPPC, la directive (99/31/CE) [14] relative
aux décharges
définit le concept de "décharge". Selon
l’article 2, sous g), de
cette directive, une décharge est un site
d’élimination des déchets par
dépôt
des déchets sur ou dans la terre. Le stockage de
déchets préalable à leur
récupération ou traitement pour une
période inférieure à trois ans en
général
et le stockage de déchets préalable à
leur traitement pour une période
inférieure à trois ans ne sont pas
concernés, car ils ne répondent pas à
la
définition d’une décharge. Il est
à remarquer que les bassins de stériles de
Baia Mare et d’Aznalcóllar
n’étaient pas destinés à un
stockage temporaire. Sur
la base de la définition ci-dessus, il est probable que la
grande majorité des
bassins de stériles répondent effectivement
à la formulation actuelle de l’annexe
I.
(...). »
GRIEF
46. Invoquant l’article 2 de la Convention, les requérants se plaignent que le processus technologique utilisé par l’usine S.C. Transgold S.A Baia Mare (ancienne S.C. Aurul S.A Baia Mare) représente un danger pour leur vie. Ils se plaignent également de la passivité des autorités face à la situation créée, vu les nombreuses plaintes formulées par le premier requérant.
EN DROIT
47. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Guerra c. Italie, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 223, § 44), et à la lumière de sa jurisprudence (López Ostra c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303-C, pp. 54-55, § 51, Guerra précitée, p. 227, § 57 et Moreno Gómez c. Espagne, no 4143/02, 16 novembre 2004); Hatton et autres c. Royaume-Uni [GC], no 36022/97, § 96, CEDH 2003‑VIII), la Cour estime que les doléances des requérants doivent être examinées sous l’angle de l’article 8 de la Convention aux termes duquel :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur les exceptions de non-épuisement des voies de recours internes soulevées par le Gouvernement
48. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il fait valoir que les requérants avaient à leur disposition trois voies de recours efficaces pour remédier aux violations alléguées : pénale, civile et administrative.
a) Sur l’exception tirée du non-épuisement de la voie de recours pénale
49. Le Gouvernement souligne que les requérants n’ont pas contesté devant le parquet hiérarchiquement supérieur le non-lieu prononcé le 20 novembre 2001 par le parquet près le tribunal départemental de Maramureş, conformément aux exigences de l’article 278 du Code de procédure pénale, tel qu’il était rédigé à l’époque des faits.
50. Le premier requérant fait valoir qu’il a déposé devant les parquets près le tribunal départemental et la cour d’appel de Maramureş ainsi que devant le parquet près la Cour suprême de justice, plusieurs plaintes pénales contre des dirigeants des sociétés Aurul et Transgold ayant comme objet le danger que l’utilisation de sodium de cyanure lors du processus technologique représentait pour la santé et la vie des habitants, ainsi que pour la santé du deuxième requérant. Quant à l’ordonnance de non-lieu du 20 novembre 2001, le requérant affirme que cette décision ne concerne qu’une seule des plaintes pénales qu’il avait déposées et, qu’en tout état de cause, cette plainte ne portait que sur l’accident du 30 janvier 2000, qui ne fait pas l’objet de ses griefs dans le cadre de la présente requête.
51. S’agissant tout d’abord de la voie pénale, la Cour observe que le premier requérant a déposé des plaintes pénales concernant deux aspects : l’accident du 30 décembre 2000 et le risque que l’utilisation de cyanure de sodium dans le processus technologique représente pour sa vie et celle du deuxième requérant et pour l’écosystème, ainsi que pour la maladie du deuxième requérant.
52. Quant aux plaintes concernant l’accident du 30 janvier 2000, la Cour observe, à l’instar du Gouvernement, que le premier requérant a omis de contester l’ordonnance de non-lieu du 20 novembre 2001.
53. S’agissant de l’utilisation, par les sociétés Aurul et Transgold, de cyanure de sodium lors du processus d’extraction de l’or, la Cour note que, bien que le premier requérant ait déposé plusieurs plaintes à cet égard, aucune ordonnance ou décision de justice n’a été rendue par les autorités compétentes.
54. De plus, la Cour observe que, comme il ressort des éléments du dossier, une autre plainte pénale formulée par le premier requérant est restée sans suite : celle adressée, le 23 novembre 2001, au procureur en chef du parquet près la Cour suprême de justice. Or, dans cette plainte, le requérant demandait aux autorités d’ouvrir une enquête pénale afin de poursuivre les responsables de la pollution causée par l’utilisation de cyanure de sodium. Il alléguait également la dégradation de l’état de santé de son fils, ce dernier souffrant d’un asthme bronchique prétendument provoqué par l’utilisation de cyanure de sodium par l’exploitation minière.
55. La Cour renvoie aux lettres des 6 mars et 8 mars 2002, du parquet près la Cour suprême de justice, informant le premier requérant de ce que ses plaintes avaient été envoyées pour instruction au parquet près la cour d’appel de Cluj. Or, il ressort des éléments du dossier, qu’aucune ordonnance concernant ces plaintes pénales n’a été rendue en l’espèce.
56. Enfin, la Cour rappelle que selon les dispositions de la loi pour la protection de l’environnement, en vigueur à l’époque des faits, en cas d’infraction, les autorités devaient engager d’office des poursuites (art. 86 de la loi 137/1995).
Partant, cette exception doit être rejetée.
b) Sur l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours civiles et administratives
57. Selon le Gouvernement, la loi no 137/1995, qui prévoyait, dans son article 81, la responsabilité pour faute, serait une loi spéciale par rapport aux dispositions de droit commun (articles 998 et 999 du Code civil). Le Gouvernement évoque trois catégories de préjudices susceptibles d’être réparés en vertu de cette loi spéciale : ceux causés aux biens, aux personnes et à l’environnement.
58. Une troisième voie de recours relèverait, selon le Gouvernement, de la procédure administrative sur l’accès aux informations concernant l’environnement, découlant de l’article 5 de la loi no 137/1995. Cette possibilité serait renforcée par la loi no 544/2001, sur l’accès aux informations d’intérêt général et la décision no 115 du Gouvernement sur le libre accès aux informations concernant l’environnement. S’agissant de la voie administrative, le Gouvernement indique aussi la possibilité, offerte aux requérants par la loi no 137/1995 sur la protection de l’environnement, de demander la révocation de l’autorisation administrative de fonctionnement délivrée par le ministère de l’Environnement.
59. En ce qui concerne les démarches administratives en vue d’obtenir des informations concernant la technologie utilisée par les sociétés exploratrices et l’impact de cette technologie sur la santé humaine, le premier requérant affirme avoir déposé, en vertu de la loi no 544/2001 (portant sur l’accès aux informations d’intérêt général) plusieurs demandes devant les autorités administratives compétentes. Selon le premier requérant, les autorités saisies n’ont donné aucune suite à ses demandes.
60. La Cour rappelle que l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs à la violation incriminée, disponibles et adéquats. Ceux-ci doivent exister à un degré suffisant de certitude, non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, parmi d’autres, l’arrêt Navarra c. France du 23 novembre 1993, série A no 273-B, p. 27, § 24). De surcroît, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (voir, mutatis mutandis, les arrêts A. c. France du 23 novembre 1993, série A no 277-B, p. 48, § 32 et De Moor c. Belgique du 23 juin 1994, série A no 292-A, p. 16‑17, § 50).
61. Pour ce qui est de la voie administrative, la Cour note que le premier requérant a formé plusieurs plaintes administratives, demandant aux autorités d’arrêter les activités de la société et de vérifier si les sociétés détenaient une licence d’exploitation valable. Quant à la possibilité, pour les requérants, de demander la révocation de l’autorisation de fonctionnement délivrée par le ministère de l’Environnement, la Cour note qu’il ressort de la situation de fait qu’à l’époque où le premier requérant a entamé ses démarches, la société Transgold ne détenait pas une telle autorisation. Ce n’est que le 8 août 2002 que le ministère de l’Environnement a délivré trois autorisations en ce sens (voir § 7).
62. La Cour note que, malgré les plaintes répétées du premier requérant, les autorités l’informèrent que les activités en cause ne représentaient aucun danger, que la société fonctionnait en vertu d’une licence d’exploitation valable et qu’en ce qui concernait la protection de l’environnement, l’exploitation s’effectuait en toute sécurité en (voir §§ 19, 22 - 23). La Cour observe que ces réponses des autorités n’étaient accompagnées par aucun document justificatif (rapport d’impact environnemental, rapport d’expertise, etc.).
63. Le Gouvernement n’a soumis, par ailleurs, aucun exemple de jurisprudence interne sur l’utilisation de cette voie de recours dans des situations similaires.
64. En tout état de cause, la Cour rappelle qu’en vertu de la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention, un requérant doit se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour lui permettre d’obtenir réparation des violations qu’il allègue, étant entendu qu’il incombe au Gouvernement excipant du non - épuisement de convaincre la Cour que le recours invoqué était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible et susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs, et qu’il présentait des perspectives raisonnables de succès (voir, parmi d’autres, Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, p. 1210, § 66, et Giacobbe et autres c. Italie, no 16041/02, § 63, 15 décembre 2005). En l’espèce, le Gouvernement n’a pas démontré que les requérants auraient pu obtenir une réparation conforme aux critères dégagés par la jurisprudence de la Cour devant les tribunaux compétents.
Partant, ces exceptions du Gouvernement ne sauraient être retenues.
B. Sur le fond
65. Le
Gouvernement admet que l’article 8 de la Convention peut
trouver application en
cas de pollution grave de l’environnement si cela affecte le
bien-être des
individus et leur droit à une vie familiale. Dans certains cas, selon le
Gouvernement,
les droits garantis par l’article 8 de la Convention peuvent
se trouver
méconnus lorsque l’Etat est directement ou
indirectement responsable de la
pollution.
66. Le
Gouvernement estime qu’en l’espèce,
comme dans l’affaire Hatton et
autres c. Royaume-Uni,
l’intérêt économique de
l’activité
en question devrait être pris en compte par la Cour. Il
renvoie à l’étude d’impact
environnemental réalisée en 1993, qui mentionnait
l’utilisation d’une très
grande superficie de terrain (70 hectares), à la
proximité de la ville de Baia
Mare, sur laquelle il y avait déjà deux bassins
de rétention des eaux.
67. Le
Gouvernement affirme qu’à la différence
des affaires Guerra et Hatton, aucune
infraction au droit interne n’a été
constatée en l’espèce. Le Gouvernement
invoque également l’affaire Asselbourg
et
autres c. Luxembourg (déc., no
29121/95, CEDH 1999‑VI) dans
laquelle la Cour a estimé qu’il
n’a pas été prouvé que les
conditions d’exploitation fixées par les
autorités luxembourgeoises, et
notamment les normes de rejet des déchets polluants
atmosphériques, avaient été
insuffisantes au point de constituer une atteinte grave au principe de
précaution. Le Gouvernement soutient que la
présente affaire ressemble aux
affaires mentionnées en ce que les autorités
nationales avaient imposé aux
sociétés en cause des obligations
détaillées dans le but de prévenir la
pollution.
68. Enfin, le Gouvernement estime mal fondées les affirmations relatives à l’état de santé du deuxième requérant et à son rapport avec l’éventuelle pollution.
69. Le premier requérant conteste les affirmations du Gouvernement et affirme que le fonctionnement de la société d’exploitation minière représente un vrai danger pour sa vie et celle du deuxième requérant. Il invoque l’asthme bronchique de son fils, maladie, qui d’après lui, est largement répandue parmi les habitants de Baia Mare.
70. Le premier requérant invoque un « empoisonnement en masse », un « génocide » et affirme que les autorités roumaines font preuve de passivité vis-à-vis de ce problème car l’Etat roumain est un des actionnaires de la société Transgold S.A.
71. Selon le premier requérant, toutes ses démarches, que ce soit de nature pénale ou administrative, n’avaient aucune chance de succès, compte tenu de la volonté des autorités de cacher la réalité des faits et de permettre à la société de continuer l’exploitation, au mépris du danger que cela représente pour la santé et la vie des habitants de la ville de Baia Mare.
72. La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Rejette les exceptions préliminaires soulevées par le Gouvernement ;
Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.
Santiago Quesada
Elisabet
Fura-Sandström
Greffier
Présidente